LETTRE AUX CONSOMMATEURS
Cette lettre s’adresse aux :
Jeunes qui veulent passer leur permis de conduire, aux parents de jeunes qui passent le permis, aux gilets jaunes, à ceux qui ont trop d’argent, à ceux qui en ont un peu, à ceux qui n’en n’ont pas ou plus, à ceux qui pensent que le numérique est l’avenir, à ceux qui pensent que le numérique n’apporte pas que des bonnes choses, aux vieux, au moins vieux, aux jeunes, aux futurs jeunes, enfin à tous ceux qui pensent ou qui essayent de penser.
Vous êtes, nous sommes, tous des consommateurs. Vous êtes, nous sommes, tous des travailleurs. Alors, lorsque nous consommons, ne devons-nous pas penser que ce que nous consommons a été produit par d’autres travailleurs ?
Dans cette société de consommation où tout est considéré comme marchandise, nous sommes souvent égoïstes, individualistes car nous agissons en fonction de notre besoin ou supposé tel, en fonction de notre envie de posséder ceci ou cela et tout est fait pour nous amener à réfléchir ainsi.
Je veux vous dire aujourd’hui que ce mode de pensée est bien réducteur, car ce n’est pas en tant que consommateur que nous devons agir. Nous devons agir en tant que citoyen et en pensant à quelle société nous voulons.
Bien sûr notre pouvoir d’achat est important et nous ne pouvons pas dépenser ce que nous n’avons pas. Bien sûr le permis de conduire est essentiel pour pouvoir se déplacer, travailler et avoir accès à cette mobilité dont nous avons besoin.
Je vous propose de prendre du recul, de la hauteur, ne voyez-vous pas que ce que nous appelons l’uberisation est un cancer qui gangrène notre société, qui détruit les acquis sociaux durement acquis par nos aïeux ?
Tout a commencé avec les taxis, les bobos parisiens étaient heureux d’avoir accès à un service plus rapide, plus accueillant, moins cher. Le paradis. Mais le paradis pour qui ? Pour le consommateur, pas si sûr car ce consommateur est aussi un travailleur qui sera lui aussi un jour uberisé,, en tout cas ce qui est certain c’est que les économies faites pour baisser les prix se sont faites et se font encore sur le dos des travailleurs, les chauffeurs uber commencent sérieusement à s’en rendre compte.
Cela a continué avec AirbnB, formidable vous partez en vacances pour pas cher. Super, mais combien d’emplois sont perdus dans l’hôtellerie ? Et vous consommateur heureux, votre emploi, quand passera-t-il à la moulinette de l’uberisation ? Vous vous croyez à l’abri ? Ne rêvez pas votre tour arrive.
La liste serait longue, les avocats, les notaires, les agences immobilières, beaucoup de professions sont touchées, les petits commerces disparaissent et les centre villes se meurent. Savez-vous qu’une ville comme Nevers a perdu en très peu de temps 10% de sa population ? Comprenez-vous que les politiques économiques pour rendre du pouvoir d’achat se font toujours et essentiellement sur le dos de ceux qui travaillent ?
Tout ceci est la conséquence de notre individualisme qui nous pousse à chercher toujours le moins cher sans même regarder la qualité, seul le prix compte, les raisons d’un prix pas cher ne nous importent pas.
Il en va ainsi des écoles de conduite qui doivent faire face aux nouvelles plateformes numériques qui cassent les prix. Avez-vous imaginé que cette casse des prix se fait sur le dos des travailleurs ? Savez-vous que ces pseudos indépendants ont une protection sociale minimale, pas de droit au chômage, sans doute pas ou très peu de retraite ?
Vous me direz que cela n’est pas votre problème et que vous n’y êtes pour rien. Hé bien si c’est justement votre problème et vous y êtes pour beaucoup.
C’est votre, notre, problème car que fera la société pour aider ces gens quand ils n’auront pas de retraite et que l’heure sera venue ? Des aides avec l’argent public ? Rien et ils travailleront et travailleront toujours et encore en vivant de peu ?
Votre responsabilité est grande car vous alimentez un processus d’uberisation générale de la société et ce que vous ne voyez pas c’est qu’un jour cela arrivera dans votre métier. Un jour votre père, votre mère, votre époux, votre femme, se verront licenciés car trop cher face à de nouveaux arrivants autoentrepreneurs. Ce jour-là vous comprendrez, peut-être, que vous avez contribué à cette situation, car ne l’oubliez pas, la société c’est comme un château de cartes chacun y a sa place et apporte sa pierre à l’édifice et si une carte tombe elle en entraîne une autre et ainsi de suite.
Alors, je vous le dis, le combat des écoles de conduite contre l’uberisation, c’est aussi le vôtre.
Si vous voulez une société dans laquelle vos enfants, vos petits-enfants, devront travailler jusqu’à 95 ans comme aux Etats Unis, alors effectivement ce combat ne vous concerne pas.
Si vous ne voulez pas de cette société, commencez par ne pas consommer dans ces entreprises qui vous promettent souvent le paradis mais qui ont fait des travailleurs les nouveaux esclaves du numérique.
Et n’oubliez pas qu’une formation, n’est pas un produit de consommation.
Vous ne me lirez sans doute pas mais je tenais à vous dire cela.
C’est effectivement un sujet de Société sensible. Le propos est censé et visionnaire. Trop sans doute dans une société consumériste. L’avenir te donnera malheureusement raison Philippe.