Depuis 30 ans que je suis dans cette profession j’ai toujours entendu les professionnels se plaindre d’un manque de places d’examens. Manque de place qui freine le développement des écoles de conduite et augmente le coût du permis pour les élèves. Manque de place qui serait donc à l’origine de nos maux.
Dès la création de l’UNIC ses fondateurs se sont donné comme objectif de régler ce problème de façon pérenne. Pour cela notre ligne a été définie dès 2006 en proposant la privatisation des examens.
Cette solution nous semblait la plus réaliste et la plus pragmatique. Immédiatement dénigrée et attaquée par toutes les organisations professionnelles, l’UNIC s’est retrouvée isolée et présentée comme une organisation allant à l’encontre de l’intérêt des écoles de conduite et anti inspecteurs fonctionnaires.
Je n’ai à aucun moment dévié de la ligne fixée car j’en suis persuadé c’est la seule solution pour sortir la profession de ses difficultés. Mais voilà qu’un gouvernement décide de privatiser l’examen du code de la route, ce que nous appelons l’E.T.G. pour Épreuve Théorique Générale, pour que l’inquiétude monte et que les professionnels s’angoissent pour leur avenir.
Dans ces temps difficiles, aussi bien d’un point de vue économique car je crains qu’un nombre important d’école de conduite soit actuellement en état de survie, que d’un point de vue organisation car nous sommes face à une véritable révolution industrielle, il me semble important que nous nous posions des questions sur notre avenir.
L’ANCIEN SYSTÈME (ou l’actuel en fin de vie)
L’ancien système cherche à faire coexister trois partenaires qui n’ont ni les mêmes contraintes ni les mêmes objectifs, d’un côté des entreprises privées avec leurs contraintes économiques et commerciales, d’un autre côté l’administration avec sa vision exclusive du service public gratuit et au milieu de cela un élève/client qui veut seulement passer son permis en espérant que l’on tiendra compte de ses contraintes. Malheureusement ce système est centré exclusivement sur les contraintes de l’administration toute puissante.
Ce système se veut être un système de qualité basé sur le taux de réussite des élèves. Quelle hypocrisie ! Il s’agit avant tout un système de gestion de la pénurie de la production de places, gestion qui ne tient pas compte des contraintes des élèves et encore moins des écoles de conduite.
Dans un tel système l’élève se sent pris en otage car il n’a aucun droit. Ne nous le cachons pas nombreux sont les exploitants qui profitent de cette situation pour vendre de pseudos leçons de conduite à des jeunes qui n’ont d’autres possibilités que de se plier et de payer.
A partir de là il ne faut pas s’étonner que notre profession soit mal aimée, voir détestée.
Ce système de pression doit cesser au plus vite, il nous faut repenser une nouvelle organisation du système formation/examen.
Dès 2006 l’UNIC avait proposé un projet, auto-école-autrement, à la réflexion de la profession. Ce projet, immédiatement dénigré par certains (sous le seul prétexte que c’est l’UNIC), portait en lui les bases d’une nouvelle organisation. Ce projet a ensuite était complété par le projet DEXO. J’ai la faiblesse de penser que si la profession s’était emparée de ces projets nous n’en serions pas là aujourd’hui.
REPENSER NOTRE AVENIR OU DISPARAITRE
C’est bien l’enjeu : allons-nous exister demain, ou allons-nous disparaitre ? La question doit être posée car dans toute révolution industrielle des métiers disparaissent et d’autres arrivent. des pratiques disparaissent remplacées par d’autres et seuls ceux qui savent s’adapter restent, les autres trépassent. Quand les tracteurs sont arrivés dans les campagnes une poignée d’irréductibles a continué à labourer avec les chevaux sous prétexte de qualité, ils ont tous disparus.
Pour repenser notre avenir nous devons d’abord nous poser trois questions :
1 – Pourquoi avons-nous échoués ?
2 – Pourquoi sommes-nous si mal aimés ?
3 – Que veux le consommateur ?
Je sais que le mot consommateur va en choquer plus d’un mais, après tout, il n’y a rien là de péjoratif et celui qui paie est bien un client consommateur.
Pour arriver à répondre à ces questions, à envisager une nouvelle école de conduite il nous faut, aussi tenir compte des évolutions techniques des véhicules, des nouveaux modes de mobilité, etc.
Mais surtout, et c’est peut-être le plus difficile, ne pas nous soumettre idéologiquement à certains dogmes corporatistes qui restreignent nos pratiques et veulent les formater pour que la profession se plie à une pratique unique.
Il faut remettre l’élève au centre du système, réfléchir à ce qu’il veut et non à ce que nous pensons bien pour lui.
Il faut libérer le parcours de l’élève et ne pas l’enfermer dans des réglementations qui n’ont d’autre conséquence que de le rendre otage de sa formation.
Toujours penser que ce qui est bon pour l’élève est bon pour nous. Dans ce monde qui change rapidement les jeunes ne veulent plus de contraintes, ils veulent de la liberté, de la rapidité, tout ce que nous ne pouvons pas leur offrir aujourd’hui.
Nous nous voulons des acteurs de la sécurité routière, nous avons raison, mais la sécurité routière aura-t-elle besoin de nous dans les prochaines années ? Regardons l’évolution technologique des véhicules, la voiture sans chauffeur arrive, il faut dès à présent réfléchir à ce que sera notre place et notre mission face à cette évolution inéluctable.
La profession est inquiète, elle est angoissée car personne ne lui apporte une vision d’avenir, dans un tel contexte ceux qui lui tiennent un discours protectionniste la rassure, mais malheureusement la trompe et l’emmène à sa perte.
Face à un tel bouleversement ce ne sont pas des réglementations qui nous protégerons, elles ne seront que des digues dérisoires qui seront emportées avec tout ce qu’elles étaient censées protéger.
Beaucoup d’entre nous ont peur de la privatisation de l’examen ETG, les mêmes se plaignent d’un nombre de places insuffisant. Pourtant la privatisation va apporter de la fluidité, de la souplesse à l’organisation, les écoles de conduite vont pouvoir réserver les places pour leurs élèves, il y aura des examen en fin de journée, le samedi, ce sera selon nos besoins et non selon les contraintes administratives. Alors cette peur de la privatisation n’est-elle pas consécutive au fait que la profession se sente mal aimée ? Et, de ce fait, elle pense que les élèves la fuiront. Ce n’est pas la privatisation qui fait peur, c’est l’angoisse d’une organisation différente qui remplace un système qui se voulait protecteur mais qui nous détruisait aux yeux du public.
Il y a urgence à inventer l’avenir, ce n’est pas Macron le danger. Le danger c’est notre paralysie face à la numérisation globale de la société. Soyons ouverts et innovants.
Je veux une profession aimée du public.
« Quand tout semble être contre vous, souvenez-vous que l’avion décolle face au vent, et non avec lui. » – Henry Ford
Toujours aussi brillant tant sur le fond que sur la forme……
Et la citation de fin…… je la replacerai
Merci Philippe de ton analyse
Maintenant reste à bosser pour choisir notre avenir
Moi aussi je tente une petite citation ::
« Monsieur a son avenir devant lui, niais il l’aura dans le dos chaque fois qu’il fera demi-tour »
Pierre Dac
Merci Serge,
J’ai bien des idées, mais je les avancerai plus tard.
Bonsoir,
Monsieur Colombani, je pense que votre discours est tout à fait juste et plein de bon sens.
Effectivement, il sera à priori plus rapide d’obtenir une date de passage pour l’examen de l’ETG mais les futurs conducteurs auront toujours besoin d’une formation initiale dans une auto-école à moins de pouvoir « aligner » la somme de 30€ à plusieurs reprises.
Cela n’est pas incompatible avec la mise en place de nouveaux outils numériques pour aider à l’apprentissage. Je vois dans cette réforme une chance de démontrer la véritable utilité des auto-écoles et de moderniser l’apprentissage.
Très cordialement,
Geoffrey Michel
Merci à vous
Toujours aussi bon !
Merci
Bien présenté Philippe.
Mais nous sommes en France, et le changement fait peur, pourtant tout change autour de nous.
Il faut regarder devant, et se retourner seulement pour voir le chemin parcouru afin de pouvoir faire le point sur l’évolution future probable.
Mais surtout éviter de se plaindre sur notre sort, car personne ne trouvera la solution pour nous !!
JB
Merci monsieur Colombani pour cet exposé à la fois complet et sans concession.
Notamment, vous dites :
« Mais surtout, et c’est peut-être le plus difficile, ne pas nous soumettre idéologiquement à certains dogmes corporatistes qui restreignent nos pratiques et veulent les formater pour que la profession se plie à une pratique unique. Il faut remettre l’élève au centre du système, réfléchir à ce qu’il veut et non à ce que nous pensons bien pour lui. […] Face à un tel bouleversement ce ne sont pas des réglementations qui nous protégerons, elles ne seront que des digues dérisoires qui seront emportées avec tout ce qu’elles étaient censées protéger. »
Dans cette logique, devons nous imaginer que votre doctrine à évolué concernant le local d’activité ? Car, à l’heure actuelle, sur certaines zones de chalandise comme celle sur laquelle j’exerce, l’existence d’un local d’activité ou sa surface minimale de 25m2 sont des préoccupations marginales pour la plupart de nos clients. Allez vous continuer à faire de la défense de ce fameux local d’activité votre cheval de bataille alors même que vous concédez qu’il faut se concentrer en premier lieu sur les vraies attentes de la clientèle ?
GF
Quand je parle de « dogme » je ne pense pas au local, pour moi, comme pour l’UNIC le local est un élément intouchable et je me battrai pour cela. C’est le combat qu’il ne faut pas perdre et pour le gagner il faudra peut-être descendre dans la rue.
Quand je parle de « dogme » je pense plus à des concepts idéologiques ou pédagogiques qui voudraient qu’il n’y ait qu’une seule manière d’apprendre et que nous devions tous entrer dans le même moule. Je pense qu’il faut évidemment un cadre général fixant les grands objectifs de la formation et surtout sa finalité, mais je pense qu’il faut laisser aux exploitants et aux enseignants une plus grande liberté dans le choix de leurs méthodes et de leur organisation. Je pense qu’il nous faut déjà penser aux évolutions technologiques, la voiture autonome n’est pas si loin, il nous faut imaginer ce que sera notre profession et ses missions dans ce cadre là. Je vais être provocateur mais au fond, avec la voiture autonome, serons nous encore des enseignants de la sécurité routière partant du principe que ce type de véhicule, qui n’est plus un rêve, laisse peu de place à l’humain et donc sera-t-il encore nécessaire de travailler sur les comportements et si oui lesquels et comment ? serons-nous de véritables experts de la technologie ?
Sur les attentes de l’élève. Que veut-il ? Il veut pouvoir passer un permis rapidement et à moindre frais. Le prix que ça nous plaise ou pas est un élément incontournable de la réflexion que nous devons engager. il ne s’agit pas de baisser les tarifs mais de chercher, d’imaginer, des méthodes d’apprentissage qui permettent de prendre moins de leçons, car ce n’est pas tant le prix de la leçon qui pose problème mais plutôt le nombre de leçons. L’AAC et la CS contribuent à cela, mais il faut peut-être trouver encore d’autres méthodes. Je connais des expériences intéressantes qui sont malheureusement décriées par une profession, à mon goût, trop conservatrice. Il ne faut donc pas se précipiter mais il me semble indispensable d’engager dès les mois qui viennent une réflexion de fond sur de noue=veaux parcours d’apprentissage. Je pense à une réflexion de Luc FEEY lors du colloque sur l’ubérisation dans lequel je suis intervenu, il a dit à peu près ceci : « si les taxis sont ubérisés par Uber c’est qu’ils n’ont pas évolués pas eux mêmes. » En un mot le monde change, notre profession aussi n’attendons pas que d’autres innovent sur notre dos, soyons innovants et soyons audacieux.
bien dit Philippe, quand tu parles de liberté pour les exploitants, nous avons eu la chance et l’opportunité de se dégager du carcan PPO avec le nouveau référentiel REMC. Hélas très peu d’exploitants ou d’enseignants/exploitants l’ont perçu. L’ Élève conducteur revient au centre de la formation et a sa place en tant qu’acteur. A chacun de nous de s’organiser de manière à ce que les élèves reviennent dans les salles, en groupe sous forme de débats et d’animations. Je témoigne que ça marche et fort … ce sont eux et eux seuls qui viennent se former, et non pas nous qui tentons de leur faire ingurgiter, quelques fois de force, des règles de code de la route. Beaucoup d’enseignants ont freiné des 4 roues en juillet 2014, ils ont pris cela comme une contrainte, ils n’ont pas compris cette grand liberté pédagogique qui nous était proposée par le REMC. Hélas, à chaque réforme, les collègues réagissent comme les conducteurs qu’on retrouve en stage PAP(tout pour nous embêter) … Dommage que ce soit encore la force des évènements qui les feront changer, le changement/rupture est dramatique, la motivation à changer génère des actions qu’on n’aurait pas imaginées …… bonne journée
Corinne